Au détour de la rivière

L'eau dévalait les pentes douces de la Forêt Noire paresseusement, comme si les ondes ne voulaient aller se jeter dans la grande mer. Larannë trempait ses pieds fins et nus dans l'eau claire et rafraichissante. Une belle journée d'été. Près d'elle, un chêne sûrement là depuis de nombreuses années accueuillait sur ses branches un rossignol dont le chant charmait les oreilles de la demoiselle. La brise légère qui remuait les feuilles des arbres en produisant un son doux était très apréciée de la jeune fille car sans elle, la chaleur aurait été insupportable et Larannë aurait sans doute préféré errer dans les couloirs frais du palais. Elle avait posé son arc et son craquois dans l'herbe, tout prêt d'elle mais elle pouvait néanmoins l'attraper et le bander d'une flèche en moins d'une demi seconde. Ses doigts fins jouaient avec une mèche de cheveux blonds bouclés qui au soleil, prenaient une couleur d'or. De l'autre main, elle cueillait pensivement des petites fleurs présentes sur l'herbe et les jetait dans la rivière pour les voir s'en aller pour toujours. Un écureuil vint l'observer, de l'autre côté de la rive. Larannë arrêta tout mouvement pour ne pas effrayer la petite bête. Mais un bruit derrière la jeune fille le fit s'enfuir. Aussitôt, elle plongea sur son arc, le banda et visa celui ou celle qui était derrière elle.

C'était celui, en l'occurrence, qui était visé. Il s'était approché doucement, sans réellement faire attention à l'elfe qui se détendait sur la berge de la rivière.

Semblant comme chercher quelque chose dans son habit d'un noir élégant, au sol, parmi l'herbe qui tapissait la forêt. Grand, même pour ceux de sa race, il ne releva la tête que subrepticement, captant la réaction craintive de la frêle créature, bandant son arc vers lui. Puis retourna à son occupation, mi-ignorant mi-surveillant l'elfe, dans une attitude que l'on pouvait à la fois qualifier de chevaline et méprisante.
Mabeinz, fier descendant des chevaux des haras de Nùmenor ne craignait point l'arme pointée sur lui : son cavalier n'était pas loin, et il savait qu'il le protègerait s'il le fallait : il pouvait donc brouter en toute tranquillité.

Le-dit cavalier arriva de l'amont de la rivière, rejoignant sa monture. La première chose qui pouvait alors choquer, c'était sa manière de se déplacer, d'être. L'homme donnait l'impression de se promener dans cette forêt comme il le ferait dans son jardin. Il était par ailleurs habillé de même, comme s'il ne faisait qu'une petite promenade.

Assorti à sa chevelure aile de corbeau, tombant au niveau de ses épaules, il arborait un pourpoint de velours noir, aux motifs sophistiqués. Une splendide ceinture au fermoir doré retenait un pantalon, que venait cacher à mi-cuisse de haute botte de cavalier entretenue avec soin. Y était également attaché un long fourreau, et une épée dont le pommeau était simple et élégant. Le cavalier avait le visage finement halé et des yeux gris. Il souriait. Ses cheveux était légèrement humide, signe qu'il s'était baigné, un peu plus tôt dans la journée.

-Madame, vous n'avez rien à craindre de ce cheval. Bien que parfois capricieux je ne l'ai encore jamais vu se comporter en prédateur carnivore. Heureuse soit cette rencontre, salua-t-il alors.

Larannë se releva tout en gardant la corde de son arc tendue à l'extrême et qui, d'un simple relâchement enverrai la flèche en plein milieu du coeur de l'homme inconnu. Malgré le sourire et l'air détendu de l'homme, la jeune fille ne desserra pas les dents pour autant. Elle savait que les apparences étaient trompeuses et que les temps étaient dangereux. Valait mieux être toujours sur ses gardes. Elle scrutait le personnage tout de noir vêtu de ses yeux noisettes, qui savaient être aussi bien durs et perçants qu'agréables et doux. Son cheval paissait un peu plus loin, aucunement alerté par la jeune elfe. L'inconnu lui dit qu'elle n'avait rien à craindre du cheval et qu'il espérait que cette rencontre soit heureuse.

"- Qui êtes-vous et que faites-vous à la Forêt Noire ?", répliqua-t-elle de sa belle voix naturellement chantante mais d'un ton assez sec, cependant.

La brise souleva quelques mèches de ses cheveux dorés et remua sa robe blanche, rehaussée d'un manteau de soie verte sombre à grand et profond capuchon et qui se laçait de la poitrine au ventre, ainsi que ses grandes manches qui tombaient en pointes vers le sol. Ses pieds fins étaient nus parmis les hautes herbes sauvages. Sa peau blanche reflétait le soleil à son apogée. Elle n'avait aucunement besoin de remettre les fines ballerines qui se laçaient autour de la cheville et du mollet car elle savait que même s'il cherchait à fuir, sa flèche serait beaucoup plus rapide que lui.

Hum, la voilà qui sort ses griffes! Enfin... Façon de parler, pensa l'homme en voyant l'elfe se méfier ainsi de lui... Toutefois, mieux valait être diplomate, afin d'éviter de se retrouver par mégarde avec une flèche dans le buste. Bien qu'il ne pu s'empêcher de répondre à la classique question par un :

"-Moi? Je suis le roi d'Umbar, et je suis venu couper du bois pour l'hiver. Allons! Parlons sérieusement, qui pensez vous que je suis? Un voyageur venant de Dol Amroth. Revenant d'Extrème Harad, où j'étais en mission pour mon seigneur. Et qui constate chaque jour que la guerre est tout aussi mauvaise pour les nerfs des gens que pour leur sens de l'hospitalité! Oh, et je me nomme Talannir, au fait."

Ker-Dûnaphil prit un air las, soupirant. Puis comme parlant à lui même, il ajouta à voix haute :

"Quand je pense que j'aspirais à plus de tranquilité... Mais à ce que je vois, le noir Seigneur est plutôt actif ces derniers temps. Et après les chaleurs du sud l'on m'envoie dans le froid du nord! Mais je ne vais pas vous embêter avec mes problèmes. On en a tous suffisamment.

Ker-Dûnaphil s'assit, dans une posture pacifique, a une distance respectable de Larannë. Un sourire qu'il voulut encourageant au lèvre, il commença à manger une pomme... Ce qui attira inévitablement l'attention de Mabeinz, comme à chaque fois que son maître sortait une gourmandise. Et, pour une fois, Ker-Dûnaphil consentit à sortir une autre pomme de son sac, principalement pour avoir la paix.

"Voudriez vous bien ne pas me menacer avec votre arc? Je vous assure que mes intentions ne sont pas hostiles".

Roi d'Umbar .. Larannë ne détendit pas son arc pour autant. En ces sombres temps, comment savoir qui était qui ? Mais heureusement pour le roi, Larannë n'était pas de nature méfiante. Parce qu'avec sa détermination, il aurait pu rester très longtemps sous la menace de son arme. Elle visa le tronc d'un arbre et lâcha la corde. La flèche alla se planter profondément dans l'écorce d'un vieux chêne. Le roi s'assit et croqua dans une pomme. Son cheval parut tout de suite intéressé et son maître lui offrit un fruit. La jeune elfe s'assit également. Elle soupira en caressant le bois d'if dans lequel son arc était fait, l'un des meilleurs bois sur terre.

"- Hélas, les temps ne sont pas sûrs et les mensonges ne sont pas rares. Je préfère être méfiante que de laisser un ennemi pénétrer dans notre cité clandestinement."

Ker-Dûnaphil gloussa. En venant jusqu'ici, il avait beaucoup appris sur les récents évènements de la terre du milieu. A commencer bien sûr par la ruine quasi-totale, et sûrement bientôt totale au vu des mouvements des soldats du Gondor qu'il avait pu observer, d'Umbar. Sauron venait de perdre Minas-Morgul, et sans doute allait-il essayer de la reconquérir. Sarouman semblait être le danger le plus immédiat ici, mais il était déjà sans doute trop occupé ailleurs. C'est certain, les temps se faisait mauvais pour les alliés de Sauron! Et Umbar s'était retrouvé au milieu de cette guerre... Sans que son père, ni aucun des défunts seigneurs d'Umbar ne puisse stopper la déferlante arrivant sur eux.

"Certes. Je rêves pour ma part d'une cité, ni du côté de Sauron, ni de celui des peuples libres. Qui n'aurait pas à craindre des attaques incessantes, ni de Sauron... Ni des peuples, en ce moment surtout, libres de faire la guerre. Mais ce genre de cité semble se faire trop rare."

Ker-Dûnaphil se releva, et commença à préparer sa monture. Il réinstalla la selle sur celui-ci, qui se laissa faire en bon cheval de monarque. Il avait depuis quelques temps des projets qui ne pouvaient attendre, tant son impatience était grande. Mais pour cela, il avait besoin d'alliés, de renseignements et de soutient. Et ne savais aucunement où les trouver.

Toutefois, je ne désespère pas. Bien loin de là.

Le roi se releva et commença à archaner son cheval. Larannë se leva également et s'approcha de la magnifique monture. Elle lui flatta l'encolure pendant que son maître le sellait.
La jeune elfe savait pertinamment que le roi d'Umbar réfléchissait et avait un but. Elle aurait voulu l'aider, il avait l'air si gentil .. Et puis, ces derniers temps, il fallait s'unir et s'entraider pour résister aux guerres qui assaillaient et détruisaient petit à petit la terre du Milieu. A certains endroits, les soldats ayant regagné leurs régiments, tout n'était plus que désolation. Les maisons avaient été ruinées, la terre labourée par les pieds de tous les hommes et de tous les chevaux, les cadavres gisaient, le vent secouant parfois leurs vêtements. Larannä savait qu'il fallait agir pour arrêter tout cela.

"- Où allez-vous ?", demanda-t-elle.

Ker-Dûnaphil monta en selle, avant de répondre à la question. A vrai dire, il ne s'y attendais que peu. Mais l'elfe avait l'air de s'être radoucie et... Quelque chose proche d'amical, en tout cas.

-Où je vais? Dans le sud. Rejoindre quelques amis, bien que ce ne soit qu'une étape. A vrai dire, je reviens du Mont Solitaire, je comptais marchander avec les nains, mais ils sont plus... Méfiant, dirons nous. C'est fort dommage, mais cela m'évitera un surcoût supplémentaire.

Mabeinz commença à s'impatienter. Il sentait que son maître voulait partir, mais les choses trainait, pour lui inexplicablement. Bien qu'aucune bataille n'était prévue, il était pressé de chevaucher. Ces derniers jours avait été trop calme, pour un cheval qui était obéissant alors qu'il se considérait comme le maître des chevaux de la terre du milieux (d'aucun diront : tel maître, tel monture!)

Je ne vous demanderais pas de m'accompagner, bien que votre brève compagnie ait été la plus agréable depuis longtemps. Mais nous pouvons faire un bout de chemin ensemble, si vous le désirez. J'espère en revanche que vous possédez votre propre monture! Mabeinz est... Capricieux lorsqu'il s'agit de porter plus d'un cavalier.

HRP : désolééé double post! Mais comme je suis bloqué depuis un moment, je me débloque, n'en déplaise à la joueuse Wink

(bein vis j'm'ennuis un peu là!)

Ker-Dûnaphil retint Mabeinz, celui-ci s'impatientant. La monture du seigneur numnoréen noir détestait la forêt. Trop d'arbres. Et puis, elle était restée trop longtemps sans rien faire. Il n'y avais pas non plus assez d'animation à son goût!
En fait, Mabeinz était si peu souvent satisfait qu'on pouvait se demander si ce n'était pas la réincarnation d'un français! Bref, Ker-Dûnaphil compris que sa monture s'impatientait, aussi il déclara :

Bien, je vais vous laisser réfléchir! Il vous sera toujours temps de me suivre... Même si ce n'est pas forcément la meilleurs idée que vous pouvez avoir : après tout ici, c'est la paix. Plus ou moins.

Sur ce, Adieu!

Et Ker-Dûnaphil se retourna, partant alors vers le sud-est. Bien que pas tout à fait fixé sur la destination à adopter, il savait qu'il aurait au moins une étape à faire. Mais le plus dûr serait de trouver la bonne personne. Non pas qu'il avait un sens de l'orientation médiocre. Non. Par contre, celui qu'il cherchait lui, oui. C'était comme chercher une aiguille dans une meule de foin, sachant que l'aiguille se déplace de manière complètement chaotique dans la meule!

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